Une BD engagée et instructive qui éclaire un aspect méconnu de l’histoire agricole française.
Après la BD retentissante " Les algues vertes" publiée en 2019 par Inès LERAUD, "Champs de bataille" s'attaque ici au remembrement des campagnes Françaises.
Histoire méconnue du grand public, le remembrement a cependant marqué des générations de paysans.
Remembrement : "politique foncière qui s'appuie sur une loi de 1941, une loi vichyste et qui va déployer l'agriculture intensive en France après guerre, notamment avec l'aide américaine, le plan Marshall et à tous les produits des sous-productions. On va agrandir les parcelles agricoles, regroupées autour des fermes car à cette époque, elles sont dispersées dans la campagne. Les terres vont pouvoir être cultivées avec des machines. Des arbres et des haies sont détruits. On rectifie les rivières en les faisant aller tout droit. C'est une loi très autoritaire qui outrepasse la propriété privée et les propriétaires n'ont pas leur mot à dire." Ines Leraud
Après leur précédente enquête, Les Algues Vertes, Inès Léraud et Pierre Van Hove s'intéressent au plus grand plan social du XXème siècle : le remembrement. Politique à marche forcée pour le déploiement de l'agriculture intensive de l'après-guerre, le remembrement a consisté à regrouper les terres afin de les adapter à la mécanisation, d'augmenter la production, et de transformer la France en puissance agricole mondiale. L'objectif a été atteint, mais on a vu depuis le Covid et la guerre en Ukraine que la destruction des paysages ruraux et de la biodiversité, la massification de l'exode rural et la transformation en profondeur du tissu social paysan ont créé une agriculture mondialisée, mais qui peine à nourrir les français dans les régions. Inès Léraud pointe les luttes et les souffrances des humains. La ligne claire de Van Hove est au service du propos. Le sujet est passionnant, l’enquête aboutie, et les lecteurs devraient s’enrichir humainement et politiquement en lisant cette BD.
Portée par une enquête engagée, bien documentée, nourrie de témoignages puissants, cette BD nous permet de comprendre d'autant plus les enjeux actuels, de la souffrance paysanne à la remise en état de la biodiversité. Le remembrement a rasé bien plus que des talus : il a défiguré des paysages, effacé des mémoires, brisé des vies rurales.
Pouvons-nous encore aujourd’hui faire marche arrière ou réparer les erreurs du passé ?
À découvrir pour mieux comprendre l’histoire enfouie du monde agricole.
"GARDAREM NO LARZAC"
Retour sur la lutte emblématique des paysans du Larzac contre l'extension d'un camp militaire. Une BD en forme de reportage qui nous plonge dans le déroulement des évènements.
Magnifique BD co-signée par Pierre-Marie Terral, scénariste, et Sébastien Verdier, dessinateur, est dédiée à « celles et ceux qui ont gardé le Larzac… »
Le plateau du Larzac a été au coeur d'une lutte qui a mobilisé des centaines de milliers de personnes à partir de 1971. Tout a débuté lors de l'annonce de l'extension du camp militaire situé sur le plateau. Menacés d'expropriation, les agriculteurs s'engagèrent dans un combat qui, durant une décennie, mobilisa autour d'eux un large et hétéroclite mouvement, dynamisé par les comités sur tout le territoire.
Le livre décrit très bien la manière dont un mouvement initié par des paysans directement concernés par une nouvelle qui va impacter leur vie, devient une lutte contre un modèle, un symbole politique et sociétal. Il est également le terrain de jeu d'une mouvance révolutionnaire qui n'hésite pas à s'engager totalement dans une nouvelle vie pour prendre part à la résistance. La durée du combat, qui a finalement obtenu gain de cause au bout de dix ans, continue d'alimenter les mouvements activistes qui le prennent en exemple de la possibilité de vaincre un système, ici l'armée toute puissante. Le récit en lui-même est construit simplement. Il raconte une suite d'évènements comme le ferait un reportage avec des images d'époque. Le dessin en noir et blanc de Sébastien Verdier est classique, précis et réaliste. La terre aride et les maisons en pierre sont très bien rendues. L'agitation militante, les constructions de maisons en bois pour occuper le terrain offrent des moments de plongée dans l'ambiance du moment. Pour finir, une postface raconte le sens politique qu'aura pris le combat pour le Larzac et permet évidemment de mieux comprendre la forme des mobilisations actuelles autour de divers projets à travers la France.
À travers cette lutte paysanne, le Larzac reste encore aujourd'hui un symbole de résistance, de mobilisation pour la défense de l'environnement, de l'aménagement du territoire et tout simplement du monde rural.