Vendu comme bien national sous la Révolution française, le couvent des Jacobins est acheté en 1880 par Maurice Martineau, négociant en cognac, qui le transforme en son hôtel particulier et en fait un modèle d’Art nouveau. Entre 1890 et 1914, il fait appel à de véritables artistes comme les céramistes Théodore Deck et Émile Muller pour la réalisation des décors intérieurs (cheminées, plafonds). Il commande aussi à l’atelier parisien de Marcel Delon une série de vitraux figurant les muses de la poésie et de la musique (Salon de musique) ou des arabesques végétales et florales (Salon de billard). Maurice Martineau, bibliophile et grand collectionneur de la mémoire saintongeaise, donne à la Ville de Saintes sa collection La Martinienne (10 000 documents saintais et saintongeais) ainsi que son hôtel particulier afin d’y installer la bibliothèque municipale. Ce n’est qu’au décès de Mme Martineau, en 1938, qu’a lieu le déménagement : l’inauguration a lieu le 1er septembre 1939.
La Maison Martineau, en grande partie protégée au titre de l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques (1987, 2004 et 2005 pour l’Église), a conservé les décors tels que Maurice Martineau et sa femme les avaient imaginés. Les collections patrimoniales s’y déploient (salon, salle à manger, salle de billard, salon de musique, chambres, cuisine) et ne laissent pas de surprendre le visiteur par le charme des lieux : livres au cuir doré, peintures et vitraux ornés de fleurs se répondent en silence.
La bibliothèque prend progressivement possession de l’ensemble de la propriété avec une première réhabilitation en 1979 : une ouverture du jardin sur la place de l’Échevinage et la création d’un véritable espace pour les Adultes et un autre pour les Jeunes. En 1987, l’Espace Jeunes inaugure la réhabilitation de l’Est qui offre aux Saintais une grande salle d’exposition (ancienne salle capitulaire du couvent des Jacobins). En 1995, l’aile Nord entièrement restaurée accueille l’Espace Adultes, l’Espace Jeunes et, en 2001, la bibliothèque devient Médiathèque avec l’ouverture de l’Espace Image et Sons.
Histoire de ceux qui l’ont faite : les bienfaiteurs
Le FA&R ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui si de nombreux collectionneurs n’avaient pas confié leurs collections, leurs dossiers et notes personnelles.
Maurice Martineau (1854-1928)
Saintais, négociant en cognac et bibliophile passionné, il a collecté environ 10 000 documents (manuscrits, affiches, livres, gravures, photos) tous relatifs à Saintes et à la Saintonge. Grâce à son don en 1928, l'Espace Patrimoine s’est enrichi de livres d’heures manuscrits enluminés, d’incunables, d’éditions rares du 16e siècle, d’un fonds de gravures et d’une belle collection d’autographes de personnalités saintaises et saintongeaises.
Baron Eugène Eschassériaux (1823-1906)
Issu d’une famille d’hommes politiques originaires de Thénac, le baron Eugène Eschassériaux lègue en 1906 à la Ville de Saintes sa bibliothèque d’homme public. Ce fonds constitué de livres, d’un grand nombre de titres de presse locale et surtout de liasses qu’il a lui-même constituées sur ses amis et adversaires politiques, constituent un fonds incontournable pour l’étude de la vie politique, notamment le Bonapartisme, en Charente-Inférieure au 19e siècle. Son arrière-petit-fils, le Baron de Chaubry, remet en dation à la Ville de Saintes en 1991, la plus grande partie de la bibliothèque privée de son ancêtre et notamment les manuscrits du Baron.
Colonel Fernand Faucher de La Ligerie (1847-1907)
Le Colonel remet à la Ville de Saintes en 1907 la bibliothèque dont il a hérité de son oncle Auguste Verchère de Reffye (1824-1905), grand bibliophile. Ce sont 700 ouvrages d’auteurs du 19e siècle aux éditions rares, sur grand papier et aux reliures remarquables. Plusieurs sont dédicacés de leurs auteurs comme Victor Hugo et Alfred de Vigny.
Charles Dangibeaud (1851-1935)
Charles Dangibeaud, avocat de formation, assure la direction des musées de Saintes de 1885 à 1935 et de la bibliothèque de 1913 à 1935. Il collecte plusieurs dizaines d’affiches publicitaires de la fin du 19e siècle, de très nombreuses cartes postales et des documents de la vie quotidienne saintaise. Son journal, remis à sa mort à la bibliothèque, ouvert seulement en l’an 2000 à la demande de Charles Dangibeaud, est une source pleine d'anecdotes amusantes sur les saintais.
La réouverture du FA&R après 10 ans de fermeture
Rappelez-vous… En novembre 2019, suite au passage de la tempête Amélie, la médiathèque découvrait ses problèmes de toiture. Pendant 10 jours, toute l’équipe des bibliothécaires et les services de la Ville s’étaient alors mobilisés pour évacuer en urgence les collections patrimoniales mises en danger. Au total, ce sont presque les 2/5èmes des collections du FA&R, soit près d’1,6 km linéaires de manuscrits et de titres de journaux et revues qui ont été évacués Salle de l’Étoile (Hostellerie Saint-Julien).
Mais ensuite ?
Ces collections, identifiées par le laboratoire de conservation de la Bibliothèque nationale de France comme victimes d’une contagion fongique et bactérienne active et élevée depuis 2010, ne pouvaient pas être mises à disposition du public. L’effondrement de la toiture dans la nuit du 27 au 28 novembre a ainsi précipité leur sort : il était urgent de gérer leur décontamination au plus vite. Après un travail de rangement et de reconditionnement par l’équipe du FA&R, l’ensemble de ces collections a bénéficié pendant plusieurs mois d’une opération de décontamination par rayons gamma, entre 2020 et 2021.
C’est quoi les rayons gamma ?
Si ce traitement est encore peu utilisé en France, où l’on lui préfère bien souvent l’oxyde d’éthylène, il est couramment utilisé dans d’autres pays et a été choisi par les Archives nationales situées à Fontainebleau.
La stérilisation gamma utilise une irradiation au Cobalt 60 pour tuer les micro-organismes et moisissures en détruisant le cœur de leur structure cellulaire. Ce traitement, à la capacité de pénétration élevée, favorise des délais d’exécution rapides, pénètre facilement les emballages et est idéal pour de grandes quantités. Un dépoussiérage minutieux complète et finalise ce traitement de désinfection : en aspirant les particules sèches de poussières ou de spores pouvant subsister, il élimine tout risque de développement de moisissures.
Aujourd’hui
Les travaux réalisés à la médiathèque François-Mitterrand ont permis de rénover la réserve patrimoniale pour accueillir les collections dans un lieu sain à leur retour de décontamination. Une salle de consultation appelée « Espace Patrimoine » a également vu le jour.
Aujourd’hui, 3/5èmes des collections sont décontaminés et communicables au public à l’Espace Patrimoine. Les 2/5èmes restant se trouvent actuellement Maison Martineau. Ces documents attendent à leur tour d’être décontaminés, mais avant cela, la médiathèque est en quête d’un lieu sain pour les accueillir, car la Maison Martineau ne remplit pas les conditions nécessaires à la conservation de documents patrimoniaux.